J’utilise à dessein l’anglicisme « safe » dans le contexte de l’endométriose pour plusieurs raisons. Il peut selon le contexte se traduire différemment. Si on pense en premier lieu à « sécurité », il peut également revêtir le sens de salubrité et de sureté. Or dans une maladie comme l’endométriose, l’alimentation se doit de participer et de garantir ces trois aspects.
L’alimentation peut jouer sur différents axes dans le combat contre l’endométriose :
- Réduire l’exposition aux polluants qui agissent comme des perturbateurs du système endocrinien,
- Moduler favorablement l’inflammation,
- Apporter les éléments favorables au bon fonctionnement du foie afin de détoxiquer les œstrogènes efficacement vers des formes ne favorisant pas la maladie.
L’exposition aux polluants, l’influence des perturbateurs endocriniens
En 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé établie la définition la plus communément admise des perturbateurs endocriniens[1] : « Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances qui altère les fonctions du système endocrinien et, de ce fait, induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de sous populations ».
Ces perturbateurs endocriniens posent de nombreux problèmes car comme leur nom l’indique, ils perturbent la communication entre les hormones et les cellules de notre organisme. Ils agissent à trois niveaux :
- Ils miment l’action d’une hormone produite naturellement par notre corps. Ce qui provoque une réponse de l’organisme à une intensité ou à un moment inapproprié.
- Ils agissent comme du chewing-gum dans une serrure. C’est-à-dire qu’ils interfèrent au bon fonctionnement hormonal en se plaçant sur des récepteurs cellulaires. Le signal hormonal ne peut alors pas être entendu par les cellules de l’organisme.
- Enfin ils augmentent ou diminuent la production des hormones naturelles, ce qui peut avoir de grosses conséquences notamment durant la gestation.
Les perturbateurs endocriniens sont dons des caméléons des hormones. De part leur mimétisme ils induisent des perturbations importantes puisque les hormones sont régulées via des mécanismes de rétrocontrôles très fins qui sont ainsi perturbés.
La quantité de perturbateurs endocriniens n’est pas le problème
En médecine, on dit souvent « que la dose fait le poison ». Mais pour les perturbateurs endocriniens, il apparaît que c’est le “moment” qui pose généralement problème. En effet, une faible quantité dans le mauvais « timing » peut avoir des conséquences biologiques. Leur action peut être comparé à celle de « l’effet papillon ». Le même principe que ce phénomène climatique qui fait qu’un battement d’aile de papillon à Hawaï provoque une tempête tropicale à l’autre bout de la planète. Le perturbateur endocrinien peut provoquer les mêmes effets.
L’endomètre est le tissu qui recouvre l’utérus et qui doit accueillir l’ovule fécondé en cas de grossesse. C’est aussi le tissu qui se délite au moment des règles. L’endométriose est une maladie dans laquelle des cellules d’endomètre se greffent sur des tissus autres (intestin, colon, vessie…). Or parmi les perturbateurs endocriniens ceux qui sont à redouter sont ceux qui miment les hormones féminines, les œstrogènes. Les œstrogènes sont fortement impliqués dans l’endométriose car ils amplifient la maladie. En effet, des perturbateurs endocriniens miment l’une des formes d’œstrogène : l’œstradiol ou E2. Cet œstradiol est déterminant puisqu’une de ses fonctions est de stimuler la reformation de l’endomètre quand l’ovule n’a pas été fécondé. Par conséquent, les cellules endométriales de l’endomètre et celles qui se sont greffées sur d’autres organes voient leur croissance stimulée.
Diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens
Eviter leur exposition complète semble très compliqué, même en vivant en Hermite dans les plateaux du Larzac. Cependant, quelques réflexes peuvent être mis en place pour limiter leur consommation directe ou indirecte :
- Opter pour une alimentation « bio »,
- Choisir des « petits » poissons pour éviter les toxiques,
- Limiter les contenants en plastique, (bouteille, sachet congélations…),
- Ne pas utiliser de pesticide chimique dans son jardin,
- Eviter les revêtements en téflon.
Associé à ces mesures préventives, il faut en plus faire les bons choix alimentaires pour ne pas favoriser l’inflammation engendrée par l’endométriose.
Moduler favorablement l’inflammation par les bons choix alimentaires
Implication de l’inflammation dans l’endométriose
L’inflammation est une réaction immunitaire. C’est-à-dire que ce sont les défenses de l’organisme qui réagissent à une situation afin de retrouver un état « normal ». Cependant cette réaction s’accompagne généralement d’un symptôme douloureux. Or il est établi que les lésions d’endométriose induisent de l’inflammation[2]. Si cette inflammation peut être douloureuse elle peut aussi à contrario être de bas grade, et donc asymptomatique. Dans ce dernier cas elle est insidieuse car ses effets sont tout autant négatifs que lorsqu’on en ressent les symptômes.
Réduire l’inflammation grâce à l’alimentation
Un des principaux moyens de lutter contre les phénomènes pro-inflammatoires est de bien choisir les graisses que l’on consomme. Cela représente un très bon moyen pour donner à l’organisme les moyens de d’éteindre l’incendie provoqué par les lésions d’endométriose.
Les omégas-3
Les omégas-3 sont des lipides que le corps ne sait pas fabriquer. Ils sont dits « essentiels » car l’alimentation en est le seul pourvoyeur. Ils sont terriblement importants car ils sont précurseurs d’anti-inflammatoires naturels, des prostaglandines PGE2. De plus ils sont en concurrence avec les omégas-6, d’autres lipides essentiels, mais qui sont prédominant dans notre alimentation.
Entre ces deux familles rivales, un ratio de 4 omégas-6 pour 1 oméga-3 doit être observé. Le problème est que notre alimentation moderne occidentale s’établit autour d’un ratio de 50/1 !
Améliorer le ratio oméga-3/oméga-6
Comme pour les perturbateurs endocriniens, quelques changements simples à mettre en œuvre peuvent grandement améliorer la situation :
- Eviter les huiles de tournesols, arachides, les mélange d’huiles types isio4, trop riches en oméga-6,
- Réhabiliter les graines oléagineuses comme la noix ou la graine de chia,
- Opter pour les huiles bien équilibrées comme l’huile d’olive,
- Apporter des huiles riches en omegas-3 comme celle de colza ou de lin,
- Manger des poissons gras 2 fois par semaine, pour leurs apports en oméga-3 DHA,
- Choisir des produits animaux du label « Bleu, blanc, cœur ».
La difficulté dans la correction de ce déséquilibre est de rétablir un statut correct en omégas-3. C’est pour ça que je propose lors de mes prises en charge la correction du déficit en omégas-3 par des changements alimentaires mais aussi si besoin par le recours à certains compléments.
Un autre point à prendre en compte est que les graisses ont tendance à concentrer les toxiques. Par conséquent, en plus de la qualité nutritionnelle, il faut impérativement s’assurer que les produits choisis soient le plus « purs » possible. Le problème est le même pour les compléments en omégas-3 qui, s’ils ne portent pas les bons labels, peuvent nous interroger sur le bien-fondé de leur utilisation.
La piste probiotique
Les probiotiques sont des bactéries amies de l’organisme. Si pendant longtemps on ne les appréhendés que par le l’angle de la digestion, il est aujourd’hui admis que ces bactéries communiquent avec les cellules de notre organisme. Par conséquents certaines souches communiquent avec notre système immunitaire. Cette communication induit que les bons probiotiques permettent de moduler favorablement l’inflammation permettant notamment d’agir au niveau local en diminuant l’inflammation intestinale mais aussi en diminuant l’inflammation de bas grade[3].
Avoir une alimentation qui soutien la détoxication des œstrogènes
Les œstrogènes sont, quand tout se passe comme prévu par la nature, détoxiqués par le foie. Pour faire simple cet organe agit comme une station d’épuration, il traite et élimine les molécules toxiques pour les rendre inoffensives ou les éliminer. Il s’avère que si le foie n’a pas tous les micronutriments et certains composés, il peine à détoxiquer certaines molécules. Les œstrogènes n’échappent pas à la règle, or ils peuvent être détoxiqués de trois manières différentes. Celles-ci vont de la plus inoffensive à la plus toxique qui a en plus la plus forte activité œstrogénique. Dans le cadre de l’endométriose, cela implique que non seulement on n’arrive pas à se débarrasser des œstrogènes mais qu’en plus, ils sont encore plus actifs qu’avant ! la boucle est bouclée et les lésions s’aggravent.
L’alimentation par des choix éclairés peut soutenir la fonction hépatique, en apportant notamment :
- Des vitamines du groupe B
- Des crucifères (choux, brocolis, navets, radis, cresson…) contenant des glucosinolates (les substances soufrées leur donnant cette odeur si caractéristique) qui contribuent à l’élimination des toxiques.
Seul bémol, la tolérance à un tel régime alimentaire. En effet, ces aliments s’accompagnent souvent de difficultés digestives. Or les femmes atteintes d’endométrioses sont souvent touchées par le syndrome de l’intestin irritable[4], ce qui accentue leur aversion pour ce type de régime.
Par conséquent, lors de la consultation diététique, je propose, en plus de la mise en place d’une alimentation anti-endométriose, la prise en charge de la sphère intestinale et selon les personnes la correction des troubles digestifs.
Bibliographie sélective
[1] International Programme on Chemical Safety, ‘Global Assessment on the State of the Science of Endocrine Disruptors’, 2002 <https://apps.who.int/iris/handle/10665/67357> [accessed 28 February 2019].
[2] Diana Monsivais and others, ‘Activated Glucocorticoid and Eicosanoid Pathways in Endometriosis’, Fertility and Sterility, 98.1 (2012), 117–25 <https://doi.org/10.1016/j.fertnstert.2012.03.030>.
[3] Rui-xue Ding and others, ‘Revisit Gut Microbiota and Its Impact on Human Health and Disease’, Journal of Food and Drug Analysis, 2019 <https://doi.org/10.1016/j.jfda.2018.12.012>.
[4] Mia L. Schomacker and others, ‘Is Endometriosis Associated with Irritable Bowel Syndrome? A Cross-Sectional Study’, European Journal of Obstetrics and Gynecology and Reproductive Biology, 231 (2018), 65–69 <https://doi.org/10.1016/j.ejogrb.2018.10.023>.